Où va le roman tunisien francophone ?

Prix COMAR 2022.
À l’occasion de la remise du plus grand prix littéraire tunisien, le COMAR 2022, le patron des sociétés d’assurances du même nom, Hakim Ben Yedder en personne, a récompensé trois romans en français : Prix découverte : « La Battante » de Lamine Kallel ; Prix spécial du jury : « Nasrimé d’Istanbul à Tunis » de Melika Golcem Ben Redjeb et le Comar d’Or : « En pays assoiffé » de Emna Belhaj Yahia.
Tous sont des romans parlant de l’histoire de la Tunisie ou du Maghreb : les tribulations d’une femme analphabète pendant la guerre d’indépendance en Algérie avec « La Battante » ; «Nasrimé» revoit les premières décennies du vingtième siècle en Tunisie, et « En pays assoiffé » le lecteur suit une femme témoin durant plusieurs décennies des drames et désillusions de son peuple bouleversé par les changements politiques.
Romans autobiographiques.
L’autre caractéristique de ces romans est leur tendance autobiographique. Avec l’âge et l’expérience, souvent dans un contexte de retraite anticipée, parfois encouragés (comme partout dans le monde) par les mois de confinement à la suite de l’épidémie de COVID-19, beaucoup ont le temps de réfléchir et d’écrire. Ils se lancent dans le roman, afin de raconter sous la forme de fictions leur propre expérience, mais aussi leur héritage et tradition.
Littérature francophone versus arabophone.
Mais qu’en est-il des auteurs arabes en Tunisie ? On en parle peu dans la presse francophone. Il semble, comme le dit la journaliste Lilia Blaise écrivant pour Le Monde qu’il y a justement « un monde » entre les littératures arabophones et francophones en Tunisie. C’est aussi ce dont parlait en décembre 2021 l’écrivain arabophone Hassouna Mosbahi dans le cadre des rencontres de la maison de la méditerranée pour la Culture et les Arts. Les deux littératures souvent ne se parlent pas et surtout ne se traduisent pas. De grands auteurs tunisiens, tels que l’avocate et militante Gisèle Halimi, sont quasiment inconnus des lecteurs arabophones, alors que Hassouna Mosbahi, considéré par l’Allemagne et les Anglo-saxons comme un des plus grands écrivains tunisiens contemporains, est peu lu dans les milieux francophones.
En conclusion.
Revenant donc sur les trois tendances littéraires de la Tunisie actuelle : le retour vers l’histoire, l’approche autobiographique et l’isolation langagière ; malgré les écueils le roman tunisien francophone semble bien se porter (voir notre article de novembre 2021 sur l’édition en Tunisie). Lui reste-t-il à obtenir une notoriété comparable à celle des auteurs marocains, qui, depuis plus de quarante ans, ont conquis un public parisien ? Ou alors doit-il se tourner vers un plus grand public, par l’intermédiaire de la traduction, en arabe, mais aussi en anglais ?