En Turquie, Erdogan, le diplomate acrobate, remis en selle par la guerre en Ukraine

Confronté à une baisse de sa popularité, le président turc tente de raffermir son image en interne et de s’arroger une plus grande visibilité sur la scène internationale. L’invasion russe de l’Ukraine, qu’il a qualifiée d’« illégale », lui a aussi permis de revenir en grâce auprès de ses alliés européens et de l’OTAN.
L’un des plus grands talents de l’insaisissable et inusable Recep Tayyip Erdogan est sa capacité à transformer les crises en opportunités politiques. Combien de fois, en vingt années de pouvoir, le dirigeant turc n’a-t-il pas changé de cap, provoqué de coups d’éclat ou exacerbé les tensions, tant sur la scène intérieure qu’en dehors, dans le but de se sortir d’une mauvaise passe ?
Encore une fois aujourd’hui, alors qu’il se débat avec une popularité en berne, le président de la Turquie multiplie les acrobaties diplomatiques. Il joue tout à la fois au chef de guerre, en menaçant les Kurdes syriens d’une nouvelle intervention militaire, en représailles à l’attentat meurtrier perpétré à Istanbul à la mi-novembre ; au faiseur de paix entre la Russie et l’Ukraine, avec une aisance à faire pâlir d’envie les plus vieux routiers de la diplomatie ; et au grand seigneur magnanime, en serrant, tout sourire, les deux mains du président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, lors de l’ouverture du Mondial de football à Doha, après avoir pourtant martelé qu’il ne rencontrerait jamais un dirigeant issu d’un coup d’Etat.
Il a les « qualités uniques d’un caméléon », dit de lui Cengiz Candar, célèbre journaliste et ancien conseiller du président Turgut Ozal (1927-1993). La marque d’un animal politique redoutable, changeant constamment de couleur pour survivre, pourrait-on ajouter. N’a-t-il pas séduit, tour à tour, un George W. Bush, lui-même très croyant, qui voyait en lui le « fervent musulman », Barack Obama, pour qui il représentait « la fenêtre sur le monde islamique », et le président homme d’affaires Donald Trump, qui louait ses talents de « dealmaker » ?
Le Monde