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Sécurité : De nouvelles rumeurs de putsch militaire en Tunisie ?

 

Alors que le président de la République rencontrait, mercredi 5 octobre 2022, les commandants des forces armées, la possibilité d’un putsch des généraux semble se préciser—réalité ou nouvelles théories du complot ?

Rumeurs anciennes basées sur des explications scabreuses.

Comme nous l’avions déjà écrit en février 2022, dans notre article « L’armée tunisienne prépare-t-elle un coup d’État ? », les rumeurs parlant d’un complot des militaires pour renverser le gouvernement étaient alors nombreuses, mais basées sur des explications sommaires. Mais qu’en est-il des faits récents sur le sujet ?

L’armée aurait profité du silence des élites.

L’interview du sociologue et spécialiste du monde arabe Vincent Geisser dans le Courrier de l’Atlas, montre la relation ambiguë et parfois difficile dans la Tunisie d’aujourd’hui entre la Présidence et les militaires. Selon le sociologue, l’armée accepterait implicitement la « restauration autoritaire » mise en place par Kaïs Saïed depuis juillet 2021. Vincent Geisser explique ensuite comment les militaires ont su profiter du silence des élites ayant accepté la dissolution du parlement et la mise en place d’un nouveau processus électoral dicté par le président.

De la rumeur à des faits inquiétants.

Nicolas Beau, l’auteur du fameux « La Régente de Carthage » (décriant juste avant la révolution les abus du clan Ben Ali et de sa femme) dépasse le concept de rumeur en nous parlant de faits inquiétants ; des indicateurs de coup, comme les analystes du renseignement disent. Par exemple, il suit le parcours fulgurant du général de Corps d’Armée Habib Dhif, vu par certains comme le futur « commandant des trois armées ». Car le général Dhif œuvrerait pour le compte de la Présidence, ayant soutenu Kaïs Saïed le 21 juillet 2021, mais aussi—et surtout—pour le corps des officiers de l’armée.

Regard intéressé de l’Algérie et de l’Egypte.

D’autres indicateurs, ceux-là venant de l’étranger, intéressent les journalistes. Le voisin algérien (où justement l’armée joue un rôle majeur dans la société et l’économie du pays) mettrait les Tunisiens en garde contre un coup possible des militaires. Désinformation, ou alors volonté de protéger le président Saïed récemment devenu proche du régime algérien ?

L’Egypte, elle aussi, serait intéressée par ce qu’il se passe en Tunisie. Mais la relation avec l’homme fort égyptien, le général Abdel Fattah al-Sissi, reste compliquée. Si certains disent que les militaires tunisiens seraient proches de leurs confrères égyptiens, il semble que le président Saïed soit lui aussi proche du président Abdel Fattah al-Sissi qu’il contacte régulièrement. Comment, dans ces conditions, imaginer l’Egypte soutenir une tentative de coup en faveur des militaires et contre la Présidence ?

Vide sécuritaire.

Autre fait inquiétant : le rôle amoindri des services de sécurité et du ministère de l’Intérieur en Tunisie. Beaucoup de hauts fonctionnaires de la police ont été nommés par les gouvernements antérieurs proches du parti islamiste Nahda. Après les élections de 2019, plusieurs ont été évincés par le président Saïed, certains accusés de corruption ou d’aide au transport de jihadistes vers l’étranger. Dans ce contexte d’un ministère de l’Intérieur affaibli, se crée un vide sécuritaire, où l’armée parait s’être engouffrée, élargissant son rôle. Les militaires sont devenus de plus en plus présents dans la société, que ce soit par exemple dans la lutte contre les incendies, le programme Tunisia Sahara Authority contre la désertification ou la campagne anti-COVID-19 l’année dernière.

En conclusion, il semble que les militaires ont pris de l’importance avec l’arrivée du président Saïed au pouvoir, mais le scénario d’un putsch des généraux, reste pour l’instant toujours du domaine du complotisme.

Frederic Mondlange

 

Source
Monde AfriqueMaghreb IntelligenceJeune AfriqueBusiness NewsCourrier de l'Atlas
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