Religion : peur salafiste en Europe, en quoi cela peut-il intéresser la Tunisie ?

À trois mois des élections présidentielles en France, le débat fait rage sur le danger de l’islamisation de la population immigrée d’origine majoritairement nord-africaine. Une affaire à suivre et pas seulement en Europe.
Le débat sur la montée du salafisme s’est envenimé fin janvier 2022 en France avec la sortie par la chaine de télévision M6 d’un documentaire de la série Zone interdite sur l’Islamisme radical dans la ville de Roubaix. Le reportage avec sa musique genre film d’horreur, et ses visages floutés, crée une ambiance lugubre qui renforce la narration nous parlant d’une ville qui est sous l’emprise d’une vision sectaire et outrancière de la religion.
Le documentaire y montre une économie islamiste parallèle, allant, comme certains disent, à l’encontre des valeurs de la république avec ses restaurants aux box avec rideaux réservés aux femmes voulant manger dans l’intimité, aux écoles enseignant uniquement le Coran, et, le comble, des magasins vendant des poupées sans visage afin de respecter l’approche iconoclaste de l’idéologie salafiste.
Suite au documentaire, les débats télévisés et radios s’enchainent. On critique M6 pour son approche biaisée, alors que des menaces de mort sont envoyées aux réalisateurs de l’émission, mais aussi à ceux interviewés dans le film. C’est que le sujet de la montée de l’Islamisme est sensible en Europe. Il va de pair en France avec celui de l’immigration qui est primordial pour les candidats aux élections présidentielles devant se tenir au mois de mai de cette année.
Mais en quoi le documentaire, révélateur pour certains, complotiste pour d’autres, pourrait intéresser les Tunisiens qui dans leur grande majorité suivent une confession religieuse tolérante et pacifique ? De nos jours, s’il n’y a pas (à ma connaissance) de poupées sans visages en vente sur les marchés des villes tunisiennes, si les restaurants n’offrent pas des box pour les femmes, et que le niqab est peu présent dans les rues, beaucoup se souviennent de 2012, et de la montée du groupuscule Ansar Al Sharia, son congrès salafiste de Kairouan, l’attaque contre l’ambassade américaine et les drapeaux noirs du jihad présents dans beaucoup de quartiers de la capitale ayant sombré dans une dérive sectaire.
Même si Ansar Sharia est interdit de nos jours en Tunisie, l’influence salafiste wahhabite est toujours présente, avec des programmes éducatifs, et des modes vestimentaires, mais aussi sur les médias sociaux comme TikTok et une nouvelle génération d’influenceurs musulmans qui touchent une audience considérable avec des vidéos promouvant une approche rigoriste de la religion. Dans ce contexte, regarder ce qui se passe dans certains quartiers des villes françaises et la façon dont le sujet est traité dans les médias, peuvent nous servir d’avertissement, ici en Tunisie, sur ce que pourrait nous réserver l’avenir si nous ne sommes pas vigilants.