Rumeurs d’assassinats, complotisme et fake news à qui cela profite-t-il ?

Le Président de la République a annoncé lors d’une vidéo jeudi 23 décembre 2021 que le ministère de l’Intérieur aurait intercepté une communication téléphonique discutant une tentative d’assassinat contre des membres du gouvernement. Il expliqua ensuite, mais sans fournir de détails, que ces « traîtres » (qu’il n’a pas nommé) « ont vendu leur conscience aux services secrets étrangers, pour assassiner un certain nombre de hauts-fonctionnaires. »
Comme le montre les médias sociaux, la plupart des Tunisiens ont appris l’information sans trop réagir, peut-être plus intéressés par l’avenir économique du pays et l’arrivée d’une nouvelle vague de COVID-19.
C’est aussi que ce n’est pas la première fois que l’on parle d’assassinats contre des membres du gouvernement. En aout 2021 le journal Al Anouar accusait Rached Ghannouchi, le Mouvement des frères musulmans, Recep Tayyip Erdogan, le Mossad ainsi qu’Ali Saied, l’ancien gouverneur de Ben Arous de vouloir assassiner le Président.
Six mois plus tôt, en janvier 2021, une enveloppe piégée adressée au Président de la République était ouverte par Nadia Akacha la directrice du cabinet présidentielle ; elle se trouvait alors victime « d’un malaise et de la perte presque totale de la vue ». Mais une enquête du Parquet de Tunis aurait conclu que l’enveloppe en question ne contenait aucun produit toxique.
Parler d’assassinat, de complot contre l’état, créer un climat de peur est un moyen efficace pour permettre à un gouvernement de mettre en place des mesures de contrôle de la population, c’est bien connu. Mais cet état perpétuel de terreur n’est pas propice si le gouvernement veut attirer les investisseurs étrangers, développer le tourisme et relancer l’économie. Et puis, cela nuit au prestige de l’état comme l’ont fait remarquer avec ironie plusieurs journaux étrangers.
Pourtant, il ne faut pas oublier qu’en 2013 la Tunisie a été la victime de deux des plus importants assassinats de son histoire avec le meurtre de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi. Nous sommes alors en pleine montée des mouvements takfiristes-jihadistes comme Ansar Al-Sharia tandis que 3000 Tunisiens combattent en Syrie, beaucoup pour l’Etat Islamique. Dans une vidéo diffusée près d’un an et demi après le meurtre des deux hommes politiques farouchement opposés aux Islamistes, Boubaker El Hakim (qui sera tué ensuite en Syrie combattant dans les rangs de DAESH) revendiquera les deux assassinats.
La grande peur d’alors (2011-2015) était la recrudescence des actes terroristes en Tunisie et voir le pays sombrer dans un chaos comparable à celui de l’Algérie pendant la décennie noire de 1992 à 2002. Doit-on redouter la même chose de nos jours en Tunisie ? Peu probable, disent la plupart des experts. Mais peut-être vaut-il mieux ne pas tenter le diable et ne pas constamment alarmer le grand public basé sur ce qui apparait être de simples rumeurs.